Armelle BERGER
Interview Emma Lunatti : une expérience Client réussie ?
Quand une jeune vice-championne du monde d'aviron nous embarque dans sa vision d'une Expérience Client réussie
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Peux-tu te présenter en quelques mots et nous parler de ton palmarès sportif ?
Je suis Emma Lunatti, j’ai 23 ans et je pratique l’aviron à haut niveau. J’ai commencé à pratiquer l’aviron et le ski de fond lorsque j’étais enfant, pendant 2 ans. Ensuite, je me suis focalisée sur le ski de fond en pôle espoir. En 2016, j’ai choisi de revenir à l’aviron de manière intensive pour l’esprit club, le plaisir et la compétition. J’ai voulu devenir compétitrice à plein temps. En 2018, j’ai participé à mes premiers championnats du monde avec l’équipe de France, puis je suis passée d’équipe de France des moins de 23 ans à l’équipe de France Élite. J’ai été remplaçante pendant 2 ans, avant de passer titulaire et d’être qualifiée avec mon équipe aux JO de Tokyo en mai ! Une chouette expérience sportive et humaine, en tout cas qui personnellement m’a beaucoup apportée et qui vient étoffer mon palmarès.
Parallèlement, j’étudie à l’école de commerce de Grenoble, dans un cursus spécial pour justement mener de front l’aviron et mes études. Actuellement, je fais un stage et je m’occupe de la politique handicap de l’entreprise.
J’ai eu aussi le plaisir d’être sponsorisée par Eloquant cette année et donc de découvrir l’intérêt de la Relation Client en intervenant régulièrement aux côtés des équipes.
Comment interagit-on dans une équipe de sportives de haut niveau : le jour J, lors des entrainements mais aussi en dehors pour garder le lien ?
On est ensemble au quotidien, on se voit tous les jours, donc le lien social est très présent. Ainsi, l’année de la qualification, on a passé plus de temps en stages que chez nous ! Au final, on vit vraiment ensemble, c’est du 100% au quotidien. Il faut bien se connaître pour pouvoir s’adapter les unes aux autres et bien s’entendre.
En entrainement, la communication et la confiance sont essentielles. L’un des éléments clés dans le bateau, c’est de se dire qu’on ne pense pas à la place des autres. En effet, chacune a ses réactions, son prisme, sa façon de voir les choses, son rôle dans le bateau, donc pour que tout soit clair, si on a une question, on la pose. On évite les hypothèses, on privilégie la communication, la transparence, la clarté entre nous.
Notre premier objectif : si on pense quelque chose, on le dit pour éviter tout quiproquo ou malentendu. Nous sommes dans une dynamique d’échange; comme dans la Relation Client, il importe d’avoir le feedback de chacun pour pouvoir se comprendre !
Chaque rôle a des caractéristiques et des devoirs différents. Si quelqu’un se sent mal à l’aise dans ce qu’il fait ou doit faire, les autres peuvent faire quelque chose pour l’aider. Donc c’est une forme de communication pour s’entraider, qui nous permet d’être plus performantes.
En compétition, c’est notre naturel qui va ressortir , c’est pour ça que les entrainements sont très importants. Notre maître mot est la communication. Sur l’eau, on communique beaucoup, on communique à chaud. En dehors de l’eau, on se fait des débrief, des séances vidéos, on essaie de dire ce que l’on ressent car parfois, dans le feu de l’action, c’est compliqué. C’est plus facile de poser des mots à froid, avec du recul : on cherche des solutions ensemble.
Par ailleurs, l’aviron, on ne voit pas où on va. On avance de dos. Donc on va vers une ligne d’arrivée qu’on ne voit jamais !
C’est le parallèle que je fais avec la Relation Client : on avance à 4, dans une direction où on ne voit pas la ligne d’arrivée. Donc, au niveau de la confiance, de la communication, il faut avancer ensemble, sinon ça ne fonctionne pas. On ne sait pas trop où on va, mais on y va ! C’est pourquoi il est essentiel de bien communiquer, de mettre les bons objectifs, et d’y aller étape par étape.
En compétition, on évite de trop parler dans le bateau. On s’exprime selon les rôles, c’est-à-dire qu’on se partage uniquement des informations clés pour avancer. Violaine donne les positions par rapport aux autres bateaux, des encouragements, et moi c’est plutôt la distance qu’on a parcourue, ce qui nous reste à parcourir et les grosses relances.
Lors de mes stages en entreprise, je compare ce que je vis dans le sport avec ce que je constate dans l’entreprise. Pour bien avancer ensemble, quel que soit le domaine, les rôles doivent être clairement définis, afin que chacun puisse prendre sa place. Je fais le parallèle avec le sport : si dans le bateau, chacune pense quelque chose de différent, on ne s’en sort pas. C’est pour ça que la communication, dans toute relation, relation personnelle, relation commerciale, relation client, est essentielle. C’est la base pour que la relation fonctionne.
Un autre élément que j’apprends et intègre, c’est la confiance. Je parlais de ce phénomène de « je ne sais pas où j’avance, je ne sais pas où je vais, puisque la ligne d’arrivée est dans mon dos« . Et souvent, en entreprise quand on commence un projet, on ne sait pas exactement où il va se terminer. On ne maîtrise pas entièrement son déroulé, son avancée, les imprévus, les freins. Il est donc important de connaître les points forts et les points faibles de chacun. En effet, ça permet de répartir intelligemment les tâches et de laisser chacun gérer de façon autonome ce qu’il sait faire le mieux. Le travail est ainsi plus efficace et plus performant, donc à la fin le projet est mieux réalisé.
Cette confiance rejoint un autre point, il s’agit de la connaissance de l’autre. Par exemple, je travaillais avec une nouvelle personne sur un projet, on ne se connaissait pas. On a pris le temps de discuter une bonne heure pour connaître le fonctionnement et les points forts de chacune. Quand on connaît l’autre, ça nourrit la confiance mutuelle que l’on se porte et ça permet d’intervenir au bon moment.
Le dernier point que j’aimerais soulever, c’est l’entraide. Souvent, quand quelqu’un est en difficulté, on se dit » j’ai déjà assez à faire, ça suffit, je continue d’avancer sur ce que j’ai à faire de mon côté« . En fait, j’ai réalisé dans mon sport qu’on a tous des « coups de mou » à des moments différents. Or, si lorsque l’une est en difficulté, on l’aide, la forme revient plus vite. Quand la forme revient plus vite, le bateau sera plus performant.
Par conséquent, quand on cherche la performance, il faut prêter attention aux personnes autour de nous et prendre soin d’elles. Une relation fonctionne quand il y a de la bienveillance. Il faut parfois sortir du contexte, prendre du recul et se dire « cette personne a besoin de mon aide et de ce que je peux lui apporter au bon moment ». L’idée est de savoir quand aller au-delà de nos propres responsabilités pour venir en aide à celui qui en a besoin.
C’est ce qui peut faire la différence ! Quand on est dans un état d’esprit positif, ça se ressent dans tous les domaines. La performance vient de notre bien-être intérieur, et les autres peuvent nous aider à en prendre soin. Pour faire le parallèle avec la Relation Client, quand on est face à quelqu’un de bienveillant, qui cherche à apporter le bon conseil, qui est intéressé et compréhensif… on a juste envie d’acheter quelque chose pour montrer qu’on est content de l’échange que l’on a eu avec lui. Pour moi, c’est une stratégie qui est assez payante !
Sportive de haut niveau, tu es aussi une consommatrice de la génération Z à qui les marques cherchent à délivrer une expérience client réussie…
Pour toi, en tant que consommatrice, quels sont les éléments essentiels pour une expérience client réussie et une bonne Relation Client ?
Se montrer disponible ! Dans certains magasins, il y a tellement de monde que les vendeurs doivent courir partout. Ce n’est déjà pas agréable, mais le pire est que parfois, on a carrément l’impression de les déranger… Ça ne donne pas envie d’acheter ! A l’inverse, quand je sens que la personne se rend disponible, même si elle court un peu et que l’échange est bref, ça me donne envie d’acheter.
Avant la crise sanitaire, je commandais beaucoup sur internet. Désormais je préfère aller en magasin, c’est quelque chose qui me fait plaisir.
De même, avant le Covid, je sentais souvent un peu de tension entre des vendeurs usés par des clients parfois très désagréables. Aujourd’hui, on ressent plus cette notion de lien social qui fait du bien. Les clients et les vendeurs sourient malgré le masque, sont plus avenants, c’est aussi pour ça que j’aime consommer. Lorsqu’on se trouve dans un magasin agréable, on ressent cette sensation de bien-être parce qu’on a croisé des gens sympas.
Ainsi, je suis tombée sur un vendeur super sympa dans un magasin de chaussures, tellement sympa que je voulais acheter tout le magasin ! Depuis, lorsque je mets mes chaussures, j’ai une petite pensée pour lui et ça me donne envie de retourner dans ce magasin, plutôt qu’ailleurs.
Aussi, je pense que pour garder la clientèle, avoir un vendeur souriant et bienveillant est vraiment un prérequis. Quand j’ai apprécié la démarche du personnel, je retourne dans le magasin.
Quels sont les critères pour te procurer une expérience client réussie et te fidéliser à une marque ?
Le vendeur est le critère numéro 1, mais ce n’est pas le seul. Je vais aussi cibler les marques en amont, selon leurs engagements. Par exemple, je préfère acheter chez une marque qui fait attention à la planète, une marque qui est dans la bienveillance vis-à-vis de l’environnement. J’aime acheter chez elles car je sais qu’elles font cet effort, donc je contribue aussi, en tant que consommatrice. De la même façon, avant j’achetais beaucoup et à petit prix, désormais je privilégie les marques qui proposent de la qualité, même si le budget est plus élevé. Je préfère acheter moins, mais mieux.
Je consomme aussi chez les marques dont on m’a parlé, les recommandations sont importantes pour moi. J’accorde une grande importance à celles de mes proches, mais je regarde assez peu les recommandations sur internet, excepté pour tout ce qui est lié à une expérience client réussie : les hôtels, les restaurants, les vacances. Dans ce cas-là, je lis les avis car je tiens à vivre une belle expérience. A l’inverse, pour des achats de produits, je ne consulte pas les avis sur internet.
Comment une marque doit gérer la relation post-achat ?
J’aime que la relation soit gérée par téléphone. Je déteste les mails, les SAV en ligne… ça prend trop de temps, ça renvoie sur quelque chose qui ne répond pas toujours à la question… et finalement le problème n’est pas résolu. Pour moi, le lien humain est essentiel. Avoir quelqu’un qui me réponde au téléphone, me prenne en charge et m’aide, pour moi c’est vraiment la base. Je ne fonctionne que comme ça, et quand je ne peux joindre personne par téléphone, ça m’énerve. J’attends juste qu’il y ait au moins une solution de vrai dialogue, pour qu’on puisse trouver une solution ensemble. Parfois, malgré l’échange avec un conseiller, il n’y a pas de solution, mais ce n’est pas si grave. Au moins, on a été pris en charge et c’est surtout ça qui compte finalement. On se sent écouté et considéré. Cette relation est importante et certaines entreprises ont malheureusement tendance à l’oublier.
Quelle est la chose la plus marquante/notable qu’une marque ait faite pour toi ?
Je n’ai jamais vécu d’expérience marquante, positivement ou négativement en tant que consommatrice. Les quelques fois ou j’ai eu un souci, il a été réglé. Néanmoins, ce n’est pas quelque chose de particulièrement marquant pour moi dans la mesure ou c’est la base dans une bonne gestion de la relation client.
En revanche, dans le monde du sport, j’ai déjà eu des partenariats avec des marques, par exemple lorsque je faisais du ski. J’avais un partenariat avec Rossignol : c’était une marque avec qui j’avais un lien fort. D’ailleurs, la personne qui me sponsorisait et gérait mon dossier chez Rossignol reste quelqu’un avec qui je communique toujours aujourd’hui. Il y a une vraie relation de confiance qui se crée. Depuis, c’est une marque que je recommande. En outre, si j’ai besoin de m’équiper, je ne me pose pas la question, j’opte directement pour Rossignol. Si on me demande mon avis, la balance penchera toujours largement du côté de Rossignol par rapport aux concurrents.
Quelles attentions apprécies-tu venant d’une marque ou entreprise, quel synonyme pour toi d’une expérience client réussie ?
Juste de la bienveillance. Pour moi vraiment, la communication, la bienveillance sont la base et puis ensuite des liens se créent, ou pas. Ce n’est pas obligé que ça fonctionne à chaque fois, mais c’est déjà un bon début.
Un petit mot de la fin ?
Ma façon de consommer a évolué, elle est très différente d’avant. Désormais, je ne porte plus attention aux mêmes choses, j’achète moins mais plus cher, plus qualitatif. J’essaie de voir aussi par rapport à l’environnement, par rapport au sport… Je me sens davantage responsable dans mes achats. Aussi, je pense que les marques doivent prendre conscience de cette évolution liée à la consommation pour répondre aux mieux à nos besoins.